Réforme de la formation professionnelle : décret qualité

La loi du 5 mars 2014 sur la réforme de la formation professionnelle a introduit la notion de Qualité de la formation et le décret d’application du 30 juin 2015 a défini six critères Qualité. Mais que signifie vraiment cette notion de qualité, de quoi est-elle garante et à qui est-elle destinée ?

Réforme de la formation professionnelle : décret qualité

réforme de la formation et la qualité
La loi du 5 mars 2014 sur la réforme de la formation professionnelle a introduit la notion de Qualité de la formation et le décret d’application du 30 juin 2015 a défini six critères Qualité. Mais que signifie vraiment cette notion de qualité, de quoi est-elle garante et à qui est-elle destinée ?

La Qualité en 6 critères

Six critères ont été définis par le décret d’application :

  1.  L’identification précise des objectifs de la formation et son adaptation au public formé,
  2.  L’adaptation des dispositifs d’accueil, de suivi pédagogique et d’évaluation aux publics de stagiaires,
  3.  L’adéquation des moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement à l’offre de formation,
  4.  La qualification professionnelle et la formation continue des personnels chargés des formations,
  5.  Les conditions d’information du public sur l’offre de formation, ses délais d’accès et les résultats obtenus,
  6.  La prise en compte des appréciations rendues par les stagiaires.

Ils représentent les lignes directrices permettant aux financeurs publics de la formation professionnelle, notamment les OPCA, de s’assurer que :

  • « Art. R. 6316-4.-Les organismes financeurs veillent à l’adéquation financière des prestations achetées aux besoins de formation, à l’ingénierie pédagogique déployée par le prestataire, à l’innovation des moyens mobilisés et aux tarifs pratiqués dans des conditions d’exploitation comparables pour des prestations analogues » ;
  • mais aussi, en écho aux pratiques nauséabondes de certains organismes de formation, « Art. L.6332-1.– 4° de s’assurer de la qualité des formations dispensées, notamment en luttant contre les dérives thérapeutiques et sectaires. »

Pour y répondre, les organismes publics ont deux outils à leur disposition :

  • Définir eux-mêmes des procédures internes « d’évaluation », de contrôle,
  • Suivre l’Article. R. 6316-2. « (Soit par) la vérification que le prestataire bénéficie d’une certification ou d’un label ».

Depuis, les OPCA travaillent en commun sur 28 indicateurs observables, dérivés de ces 6 premiers critères. Ces 28 indicateurs ne sont pas encore connus, étant actuellement dans les mains des partenaires sociaux qui doivent à leur tour les valider.

Dans le même temps, et conformément au décret, « les organismes financeurs mentionnés à l’article L. 6316-1 inscrivent sur un catalogue de référence les prestataires de formation qui remplissent les conditions définies à l’article R. 6316-1 :
« 1° Soit dans le cadre de leurs procédures internes d’évaluation ;
« 2° Soit par la vérification que le prestataire bénéficie d’une certification ou d’un label au sens de l’article R. 6316-3.
« Ce catalogue est mis à la disposition du public par chacun de ces organismes. »

Le Conseil National de l’Emploi, de la Formation et de l’Orientation Professionnelle ( CNEFOP) établira une première liste des labels et certifications « officiels » et reconnus. Cette liste doit être officialisée en début d’année 2016.

À bien lire ce décret, on comprend que chaque OPCA, chaque région, chaque financeur public déploiera ses propres procédures internes de contrôle de la Qualité.

Chose curieuse et paradoxale : « Afin de permettre aux organismes de formation de répondre à ces nouvelles exigences un délai de mise en conformité de 18 mois leur a été accordé […} » « En revanche, les dispositions relatives au contrôle de service fait s’appliquent dès aujourd’hui.», a indiqué en juillet dernier, Stéphane Rémy, chef de la mission de contrôle de la DGEFP – Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, pour rassurer les organismes de formation (sic !)

C’est finalement à n’y plus rien comprendre ! Ou, si l’on comprend, la Qualité serait-elle juste le prétexte d’un contrôle renforcé de la part des financeurs sur les organismes de formation ?

Résumons-nous :

  •  Le 5 mars 2014 : loi portant sur la énième Réforme de la Formation Professionnelle.
  • Le 30 juin 2015 : décret d’application fixant, en autre, les six critères Qualité de la Formation Professionnelle.
  • Début 2016 : publication de la liste des certifications et labels habilités à authentifier de la qualité d’un organisme de formation.
  • Courant 2016 : déploiement des procédures internes propres aux OPCA, Régions, Pôle Emploi, ou tout autre acteur sur le marché public.
  • 1er janvier 2017 : fin du délai de mise en conformité accordé aux Organismes de Formation.
    .

Un label rouge pour les organismes de formation

Pour autant, pour les organismes de formation, la notion de qualité n’a rien de vraiment nouveau sauf à l’entendre avec des oreilles de législateur. La grande majorité des Organismes de Formation exerce leur métier avec passion et volontarisme, et a depuis longtemps fait de la qualité leur fer de lance.

Dans les années 80, les organismes de formation commencent à initier des chartes de qualité. Elles ont alors pour vocation de définir la relation client-fournisseur. Ces chartes n’avaient pas de fondement légal mais avaient l’avantage de cadrer leur ambition Qualité dans des termes qui convenaient aux deux parties.

En 1994, la Fédération de la Formation Professionnelle et le Ministère de l’Emploi créé l’OPQF – Office Professionnel de Qualification des Organismes de Formation. L’OPQF, à l’origine, n’a pas de caractère obligatoire et représente un atout commercial pour les Organismes de Formation tant sur le marché public que privé.

La Réforme de la Formation Professionnelle, instituant le CPF, transfère ainsi la charge – l’investissement, formation des entreprises vers les OPCA.

On comprend mieux l’envie rapide de contrôler de la part des financeurs publics ! Il sera donc bien obligatoire, dès le 1er janvier 2017, pour tous les Organismes de Formation d’être certifiés et/ou labellisés. Sous peine de mort rapide !

Rappelons que :

  1. 75% des Organismes de Formation ont un chiffre d’affaire annuel inférieur à 75 000 €.
  2. L’année 2015 et l’arrivée – ou plutôt la non arrivée, du CPF aura vu les Organismes de Formation voir leur chiffre d’affaire divisé par deux ou trois.
  3. Les articles Art. R. 6316-4 et Art. L.6332-1., cités plus haut, vont à terme régir les prix du marché. Certains OPCA ont déjà décrété le prix de l’heure de formation à 15 € (!!).

Où se niche donc la Qualité à 15 € de l’heure ? Second paradoxe !

Thierry Teboul de l’AFDAS déclarait le 3 décembre, lors de la matinée organisée par Défi Métiers sur le thème de la Qualité : « Nous ne contrôlons pas la qualité des actions de formation, mais la qualité des organisations des Organismes de Formation ».

On peut le comprendre aisément lorsque l’on sait que l’AFDAS travaille avec 9 000 Organismes de Formation et finance plus de 150 000 actions de formation par an.

Dès lors, comment garantir au client final, l’entreprise/le salarié/le demandeur d’emploi, une réelle qualité de formation ?

Des formations de qualité : Quid des entreprises ?

Grande absente de la réforme, quasiment exclue et hors-jeu, l’entreprise. Comment peut-elle s’approprier cette réforme ? Un nouveau rôle pour le Responsable Formation ?

Le rôle du Responsable Formation pourtant en pleine mutation – révolution numérique, hyper opérationnalité…, se voit, au travers de la RFP, réduit au rôle de correspondant local de l’OPCA : la définition de la qualité attendue par une entreprise envers ses partenaires formation n’est plus de sa compétence mais de celle de l’État !

De plus la multiplication des labels et certification ne va rien arranger. La visibilité des Responsables Formation risque d’être troublée par le foisonnement de ces systèmes.

Les entreprises et les Organismes de Formation se connaissent déjà et bâtissent ensemble des relations de confiance depuis bien longtemps. Les uns et les autres n’ont pas attendu la RFP de 2014 pour parler qualité et produire des actions de formation pertinentes répondant aux exigences d’opérationnalités de leurs salariés.

Le principe de labellisation ou de certification aura un coût significatif et non négligeable pour les Organismes de Formation déjà mis à mal par la crise, la réduction des budgets formation et une difficile mise en route du CPF.

On a donc malheureusement à craindre de voir non seulement un appauvrissement de l’offre et de sa diversité, mais aussi de la capacité des Organismes de Formation à développer et à innover.

Et chacun sait que formations initiale et continue de qualité sont génératrices de points au PIB d’un pays !

Et demain ?

Fin juin dernier, un acteur majeur de la formation avait réagi face à la chute brutale des commandes de formation en rabotant drastiquement la rémunération de leurs formateurs bureautiques. Arguant du fait de la chute du marché, cet acteur reconnaissait qu’il était plus difficile de produire des actions de formation de haute qualité avec des formateurs de qualité.

La prise en main par les OPCA et autres financeurs de la notion de « qualité de la Formation Professionnelle Continue » fait craindre non pas une meilleure qualité de la formation intrinsèquement mais une concentration du marché – volonté de l’État (?), dans les mains de quelques organismes qui auront la capacité financière d’effectuer des démarches de certification et d’innovation.

Dès lors n’aurait-on pas mieux fait, au lieu de parler de mesure de Qualité, de parler directement de Guide du service achat des OPCA ?

Les Organismes de Formation doivent donc réinventer leur business modèle en moins de 18 mois :

  • Ajuster le coût de leurs prestations de formation à la mesure de leurs investissements, en préservant d’un côté leurs relations privilégiées avec les entreprises et la qualité des prestations délivrées,
  • Adapter leur politique tarifaire et leur contenu pour satisfaire aux six critères « Qualité » des financeurs publics.

Et que dire de la cohérence de cette démarche avec ce que prépare la CEE dont on attend dans les prochaines années le décret Qualité à priori basé sur 21 critères ?!

Sources :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030820633&categorieLien=id
http://www.isqualification.com/actualite-29.htm
http://dpmassocies.over-blog.com/2015/06/les-formateurs-independants-premieres-victimes-de-la-reforme.html
http://www.actualite-de-la-formation.fr/une-du-sommaire/une-de-2015/bras-de-fer-entre-l-organisme-de-formation-cegos-et-ses-sous-traitants-independants.html?
http://www.cpformation.com/cegos-baisse-la-qualite-de-ses-prestations/

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